Son oeuvre :
Poésie lyrique :
Odes et ballades (1826)
Les Orientales (1829)
Les feuilles d'automne (1831)
Les chants du crépuscule (1835)
Les voix intérieures (1837)
Les rayons et les ombres (1840)
Les contemplations (1856)
Les chansons des rues et des bois (1865)
L'année terrible (1871)
L'art d'être grand-père (1877)
Les quatre vents de l'esprit (1881)
Poésie satirique :
Les châtiments (1853)
Poésie épique :
La légende des siècles (1859,1876,1883)
Théâtre :
Cromwell (1827)
Hernani (1830)
Ruy Blas (1838)
Les Burgraves (1849)
Romans :
Notre-Dame de Paris (1831)
Les misérables (1862)
Les travailleurs de la mer (1866)
Quatre-vingt-treize (1874)
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Poète,
romancier, dramaturge, critique, Victor Hugo est, certes, un auteur d’une
stature incomparable et inégalée. Sa devise «!Ego Hugo!», qui traduit son
orgueil légendaire (sa mégalomanie, selon ses détracteurs), a poussé Jean
Cocteau à écrire que «!Victor Hugo était un fou qui se croyait Victor Hugo.!».
Il n’en
reste pas moins qu’à l’âge de trente ans, Victor Hugo, à la tête du mouvement romantique,
avait révolutionné le théâtre et inventé une nouvelle langue poétique, et qu’à
cinquante ans il eut le courage d’abandonner sans hésiter une existence
confortable et une situation acquise pour l’exil, au nom de la résistance à la
dictature de Napoléon III.
Enfance
Victor Marie
Hugo fut, historiquement, un enfant de la Révolution. Ses parents firent
connaissance en 1796 et se marièrent l’année suivante. Son père, Léopold Hugo,
appartenait à une famille d’artisans de Nancy, tandis que sa mère, Sophie
Trébuchet, était née dans la bonne bourgeoisie nantaise : Hugo était donc issu
de deux milieux très différents. De l’union assez malheureuse de Léopold et
Sophie naquirent trois enfants : Abel (1798), Eugène (1800) et Victor (1802).
Victor Hugo
vit le jour le 26 février 1802 à Besançon où son père, qui s’était
enrôlé très jeune, était en garnison. Léopold Hugo suivit les drapeaux
vainqueurs de Bonaparte!; il connut une ascension rapide dans la hiérarchie militaire, ce
qui lui permit d’accéder au poste de gouverneur d’Avellino en Italie, puis
d’être nommé gouverneur de trois provinces et comte de Siguenza en Espagne.
L’enfance de Victor fut quelque peu mouvementée, partagée entre Paris et les
lieux de mutation de son père, entre l’amant de sa mère (le général Victor
Lahorie) et les maîtresses de son père. À quatorze ans, le futur poète écrivit
sur un cahier d’écolier : «!Je veux être Chateaubriand ou rien.!» À dix-sept ans, il
fonda avec son frère Abel une revue, le Conservateur littéraire, rédigée
presque intégralement par lui. À vingt ans, le jeune poète publia ses Odes
(1822), recueil encore classique par sa forme mais plein d’audace, qui lui
valut une pension royale. Il devait le remanier quelques années plus tard, sous
le titre Odes et Ballades (1828). La disparition de sa mère en 1821
permit à Victor d’épouser l’année suivante Adèle Foucher, son amie d’enfance.
De ce mariage, il eut quatre enfants : Léopoldine (1824),
Charles (1826), François-Victor (1828) et Adèle (1830).
Chef de file du romantisme
Le créateur du drame romantique
En 1827, la
préface que Victor Hugo rédigea à sa tragédie, Cromwell - sa première œuvre
dramatique -, devint immédiatement le manifeste du théâtre
romantique (voir Drame et art dramatique). Ce traité se divisait en
trois parties : la première, à finalité destructrice,
condamnait les règles aristotéliciennes de l’unité de lieu et de temps (deux
des règles appliquées dans le théâtre classique), la deuxième partie
recommandait en revanche de conserver la seule règle aristotélicienne
acceptable, celle qui concernait l’unité d’action, tandis que la troisième
partie affirmait le droit et le devoir, pour l’art, de représenter la réalité
sous tous ses aspects. Hugo définissait ainsi, contre l’esthétique du théâtre
classique, les règles d’un nouveau genre théâtral, le drame romantique.
Le drame
romantique né des théories de Hugo se caractérise par l’introduction du laid et
du grotesque sur la scène théâtrale, par un plus grand souci de la couleur
locale et surtout par le mélange des genres - puisqu’au sein d’un même
drame figurent des éléments tragiques et comiques.
Le 25 février 1830, la
représentation de la pièce Hernani, qui donne à Hugo l’occasion de
mettre lui-même en pratique ses principes, se déroula dans une atmosphère
surchauffée par les polémiques entre défenseurs de la tradition et tenants des
nouvelles doctrines. C’est cette soirée mouvementée, restée dans l’histoire
littéraire sous le nom de «!bataille d’Hernani!», qui fit officiellement de Hugo le chef de
file du romantisme français. Hugo illustra encore ses théories au théâtre,
notamment avec des drames passionnés comme Le roi s’amuse (1832),
interdit par la censure, Lucrèce Borgia (1833) ou Ruy Blas
(1838), un de ses drames les plus connus.
Le poète lyrique
Sa renommée
de poète lyrique était confirmée par la publication de divers recueils de vers.
L’éclatante révélation de Hugo comme poète romantique date en effet de 1829
avec le recueil des Orientales, nourri d’images de la Grèce en flammes
et de visions de villes espagnoles. Des Feuilles d’automne (1831) au
recueil les Rayons et les Ombres (1840), s’affirment les thèmes majeurs
de la poésie hugolienne : la nature, l’amour, le droit du rêve. Dans les
Voix intérieures (1837) apparaît le personnage d’Olympio, double et
interlocuteur du poète, qui fut immortalisé peu après par le célèbre poème «!Tristesse d’Olympio!» dans les Rayons et
les Ombres.
Romancier du petit peuple
L’évolution
de Hugo du catholicisme et du monarchisme vers une pensée libérale et sociale,
vers la compassion pour le petit peuple, est perceptible dans toute son œuvre,
mais c’est dans ses romans qu’elle apparaît de la façon la plus flagrante.
C’est en 1831 que vit le jour le premier des grands romans historiques de
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, qui met en scène un couple devenu
mythique, Quasimodo et Esmeralda. Hugo avait débuté auparavant dans la prose
avec Han d’Islande (1823) et Bug-Jargal (1826) et, en 1829, il
avait publié un court texte contre la peine de mort : le Dernier Jour
d’un condamné. D’emblée, le récit hugolien, quoique pittoresque et
romanesque, prit une orientation très critique : raillant les genres en
vogue, il posait en outre, sur le mode ironique le plus souvent, les problèmes
de l’actualité politique et sociale ou de la misère ouvrière (Han d’Islande),
tout en s’interrogeant sur les moyens par lesquels le peuple pourrait conquérir
le droit à la parole (Notre-Dame de Paris).
Écrivain consacré
Au fil du
temps, le succès public ne se démentit pas, malgré quelques démêlés avec la
censure (l’interdiction de Marion Delorme par exemple, en 1829). En
1833, Hugo rencontra Juliette Drouet, qui devait le suivre en exil et rester sa
maîtresse dévouée pendant cinquante ans. Poète consacré, officialisé par son
élection à l’Académie française en 1841 (voir Institut de France),
Victor Hugo fut doublement affecté, au cours de l’année 1843, par l’échec de
son drame les Burgraves, qui marquait le premier signe de la décadence
du théâtre romantique, et surtout par la mort tragique de sa fille Léopoldine,
noyée dans la Seine avec son mari.
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Le poète composa en souvenir de son enfant
les poèmes qui prirent place dans le quatrième livre des Contemplations
(1856), «!Pauca Meae!».
Mais les
événements politiques lui réservaient d’autres tourments encore : au moment de la révolution
de 1848, Victor Hugo était républicain, libéral et progressiste, et le journal
qu’il avait fondé à cette époque, l’Événement, salua d’abord avec
enthousiasme l’avènement de Louis-Napoléon Bonaparte. Mais le coup d’État du 2 décembre 1851 fit
brusquement prendre conscience à Hugo des ambitions de Bonaparte, et le
précipita bientôt sur la route de l’exil : «!Je resterai proscrit,
voulant rester debout!». D’abord à Jersey, puis à Guernesey, dans sa maison de
Hauteville House, il continua, pendant ses dix-neuf ans d’exil, de vilipender
Napoléon III tout en se consacrant à la littérature.
Hugo, l’opposant
Poèmes de l’exil
Dans les
Châtiments (1853), fruit du premier hiver d’exil, Hugo consacra à «!Napoléon le Petit!», comme il l’appelait,
toute une série de vers aussi indignés que véhéments. L’ouvrage circula
aussitôt en contrebande en France. Le recueil des Châtiments se compose
de 6 200 vers, organisés en sept parties. Chacune de ces
parties a pour titre une des formules qu’avait utilisées Napoléon III pour justifier son
coup d’État. Le recueil s’ouvre sur un poème Nox («!nuit!») auquel répond un
autre poème, Lux («!lumière, jour!») : le premier fait
allusion aux ténèbres qui enveloppent le temps présent (le règne de Napoléon III), le second confirme
l’espérance d’un avenir meilleur.
Une fois les
Châtiments écrits et publiés, Victor Hugo se lança, avec sa poésie, à
l’assaut de tous les domaines de la connaissance : connaissance de la
nature, du moi et de l’univers dans les Contemplations (1856),
exploration et synthèse de l’histoire dans la Légende des siècles
(1859-1883), connaissance du divin dans Dieu (écrit en 1855, posthume,
1891) et dans la Fin de Satan (posthume, 1886). Si les Contemplations
s’articulent encore autour de la terrible épreuve que fut pour le poète la mort
de sa fille (les poèmes «!Autrefois!» et «!Aujourd’hui!» y évoquent Léopoldine), la Légende des siècles est le
projet d’une épopée qui embrasse la totalité de l’histoire et dont les poèmes
illustrent la suite des âges.
Romans de l’exil
Dans la
solitude de l’exil naquirent également les plus grands romans de Victor Hugo.
Imaginé et travaillé dès 1840, à l’image des grands romans sociaux de Balzac ou
de Sue, les Misérables fut publié en 1862 et accueilli avec réserve par
la critique mais avec un enthousiasme délirant par le public, tant en Europe
qu’aux États-Unis. Hugo confiait d’ailleurs à son éditeur, avant même d’avoir
achevé la relecture des Misérables : «!Ma conviction est que ce
livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre.!» Les Misérables
met en scène l’histoire et le progrès du peuple en marche!; malgré cette dimension
épique, les personnages principaux - leurs expériences, leur
souffrance, etc. - sont nettement individualisés. Fantine, Jean
Valjean, Cosette, Marius, Gavroche restent en effet dans leurs destins
particuliers (quoique représentatifs de toute leur classe) les enjeux
essentiels du récit.
À la vision réaliste
du monde que proposent les romans de Balzac ou de Flaubert, s’oppose l’univers
fabuleux (bien qu’historiquement marqué) des Travailleurs de la mer
(1866) ou de l’Homme qui rit (1869). Les Travailleurs de la mer
se présente comme le récit de la conquête de la nature par l’Homme, puisque les
deux personnages principaux, Lethierry et Gilliatt, mus par leur idéal, y
affrontent héroïquement la violence des tempêtes et de la faune marine. Quant à
l’Homme qui rit, il conte les épreuves de Gwymplaine, fils d’un noble
proscrit à cause de ses opinions républicaines dans l’Angleterre de la fin du XVe siècle. Les
Travailleurs de la mer, l’Homme qui rit et Quatre vingt-treize,
roman sur la Révolution écrit en 1872 lors d’un retour volontaire à l’exil,
montrent avant tout l’échec de l’homme à réformer une société injuste et inégalitaire.
Un patriarche des lettres
L’écroulement
de l’Empire lors de la guerre contre la Prusse en 1870 permit à Victor Hugo de
revenir en France. Son retour fut triomphal et, en février, il fut élu député à
la Constituante avec 214 169 voix. Il avait de vastes
projets politiques : abolition de la peine de mort, réforme de la magistrature,
défense des droits de la femme, instruction obligatoire et gratuite, création
des États-Unis d’Europe. Mais, au bout d’un mois, désillusionné, il
démissionna. Avec l’Année terrible (1872), sa poésie retrouva le ton des
Châtiments pour témoigner des événements de la Commune.
Hugo était
alors devenu pour les Français une sorte de patriarche national des lettres.
Lorsqu’il s’éteignit, le 22 mai 1885, un cortège de plusieurs centaines de
milliers de personnes suivit, depuis l’Étoile jusqu’au Panthéon, le «!corbillard des pauvres!» qu’il avait réclamé. «!Je donne cinquante mille
francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je
refuse l’oraison de toutes les Églises. Je demande une prière à toutes les
âmes. Je crois en Dieu.!» : ce furent là ses dernières volontés.
Victor Hugo
fut peut-être, de tous les écrivains français, le plus remarquable par la
longévité de son inspiration et par sa parfaite maîtrise technique. Aussi
aborda-t-il tous les thèmes, utilisa-t-il tous les registres et tous les
genres, allant de la fresque épique au poème intimiste. Son influence est
encore aujourd’hui incommensurable. Certains de ses textes d’observation comme Choses
vues ou de ses textes critiques comme Littérature et philosophie mêlées
(1834) ou William Shakespeare (1864) témoignent, s’il était besoin, de
la cohérence esthétique et de la plénitude de l’œuvre hugolienne.
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